Henri IV fut sacré le dimanche 27 février 1594, en la cathédrale Notre-Dame de Chartres, par l’évêque Nicolas de Thou ; son avènement fut long & difficile. Étant huguenot, les ligueurs firent reconnaître à six des huit cours souveraines le cardinal Charles de Bourbon, comme roi sous le nom de Charles X. Il mourut l’année suivante et Henri IV devant conquérir son royaume savait que seul le sacre pouvait l’y mettre. Ne pouvant se faire sacrer à Reims, ville ligueuse & encore traumatisée par l’assassinat du duc & du cardinal de Guise, il dut se résigner à se convertir à Saint-Denis & se fit sacrer à Chartres.
Les pairs ecclésiastiques furent représentés par les évêques de Chartres qui s’arrogea le rôle de l’archevêque de Reims au détriment de son métropolitain l’archevêque de Soissons, les évêques de Nantes, Digne, Maillezais, Orléans & Angers, seul l’évêque de Châlons était à Chartres, mais trop malade pour participer au sacre. C’est la seule fois qu’aucun des pairs ne participent à un sacre, les pairs laïcs furent représentés par le prince de Conti, le comte de Soissons, les ducs de Montpensier, de Piney, de Rais & de Ventadour. Hors, il manquait quelque chose d’essentiel, la Sainte Ampoule. Celle-ci toujours à Reims, ne pouvait être apportée, l’on avisa donc que l’abbaye de Marmoutier possédée aussi une Sainte Ampoule contenant un baume qui avait miraculeusement guéri Saint Martin ; les regalia ayant été fondues par les ligueurs, il fallut en faire fabriquer de nouvelles ; toute la cérémonie se déroula comme à l’accoutumée.
L’abjuration d’Henri IV, peinture, Nicolas Baullery, 1593, Musée d’art & d’histoire de Meudon.
Louis XIII fut sacré le dimanche 17 octobre 1610, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, par le cardinal-archevêque de Rouen & légat du pape François de Joyeuse. Le cortège fut tout aussi impressionnant que les précédents, arches & inventions jalonnées le parcours ; l’archevêque titulaire de Reims Louis de Lorraine n’était encore que sous-diacre & pas encore installé. Son premier suffragant l’évêque de Soissons était trop vieux & infirme pour officier, il fut décidé de choisir un prélat dévoué, ce fut l’évêque de Rouen, le même qui sacra la reine-mère.
Contrairement à ses prédécesseur, il n’y eu pas de veillée d’armes dans la cathédrale. La cérémonie fut somptueuse, l’intérieur fut parée de deux cent pièces de tapisseries & d’étoffes précieuses. Le déroulé fut exactement le même que pour les précédent, à l’exception de la première mention du triple dialogue à la porte de la chambre du roi, le sacre était désormais immuable & avait atteint son apothéose. Les pairs laïcs étaient représentés par les princes de Condé & de Conti, le comte de Soissons, les ducs de Nevers, d’Elbeuf & d’Épernon. Le jeune roi était embarrassé de la lourde couronne dont on avait ajouté une calotte de satin blanc bordée d’hermine, du sceptre, de la main de justice & des lourds habits au point qu’il fallut le porter pour monter le jubé. A la fin du sacre, sept à huit cent moineaux, chardonnerets & autres oiseaux furent lâchés dans la cathédrale, à la plus grande joie du jeune souverain.
Louis XIV fut sacré le dimanche juin 1654, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, par l’évêque de Soissons Simon Le Gras. Le sacre fut fait tardivement en raison des troubles des Frondes ; le cortège fut réduit à son plus simple appareil au vu de la pauvreté des habitants ruinés par des années de guerres, trois arches furent néanmoins dressées pour faire bonne figure, le roi entra en carrosse & non à cheval sous un dais comme de coutume. L’évêque de Soissons remplaça l’archevêque de Reims Henri de Savoie, qui n’était pas encore ordonné (il quitte l’état ecclésiastique en 1657).
Sur la cathédrale étaient tendues sur trois hauteurs, des plus belles & riches tapisseries de la Couronne. La reine-mère était présente, ainsi que la tante du roi Henriette de France, reine d’Angleterre ainsi que les ducs d’York (futur Jacques II) & de Gloucester. Ce fut le même & immuable cérémonial qui couronna cet évènement. Seul trois pairs ecclésiastiques étaient présent, les évêques de Beauvais, de Châlons & de Noyon, les autres furent remplacés par les archevêques de Bourges & de Rouen & par l’évêque de Soissons, quant au pair laïcs, il s’agissait des ducs d’Anjou, de Vendôme, d’Elbeuf, de Caudale, de Roannais & de Bournonville, seul le duc d’Orléans & le prince de Condé furent absent. Lorsque l’officiant posa la couronne sur la tête du roi, il lui dit de bien l’enfoncer, le roi répondit : « Elle y tient bien &, avec l’aide de Dieu, elle ne tombera jamais. », un bon présage pour un long & brillant règne aux yeux des contemporains.
Louis XV fut sacré le dimanche 25 octobre 1722, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, par l’archevêque Armand-Jules de Rohan. Le sacre ne se fit que lorsque le roi atteint l’âge de douze ans révolus, celui-ci est fort bien documenté en partie par un album in-folio dont les planches sont commentées. La décision ayant été prise au printemps, cela laissa du temps pour les préparatifs, ce sont douze mille toise de charpente (soit près de 2,4km), cinquante chariots pour transporter les tapisseries de la Couronne. Toutes fournitures furent organisées, foin, avoine, bûches, fagots & charbons, nappes, serviettes & autres linges, ustensile de cuisine, argenterie, volaille, grosses chaires & lards, sauces & oranges, fruits & pâtisserie & quarante-cinq pièces de vin & plus de six mille flacon pour offrir aux rois, princes & ministres. Des ouvriers venus de Paris furent envoyés par le grand-maître des cérémonies pour nettoyer les voûtes & vitraux de la cathédrale dans des paniers d’osier attachés à de gros câbles ; le cortège fut somptueux, sans réitérer les grandes entrées de la Renaissance. Des six pairs ecclésiastiques, seul l’évêque de Langres était absent pour raison de santé, les pairs laïcs furent représentés par les ducs d’Orléans, de Chartres & de Bourbon, les comtes de Charolais & de Clermont & le prince de Conti. Plus de cent mille personne étaient en ville ; après la messe, le festin fut copieux, ce fut la première fois que l’on servi du vin mousseux de Champagne.
Sacre de Louis XV, huile sur toile, Pierre Denis Martin, 1722, château de Versailles
Louis XVI fut sacré le dimanche 11 juin 1775, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, par le cardinal-archevêque Charles-Antoine de La Roche-Aymon. Il fut le premier qui fit débat, les « esprits éclairés » ne voyaient que dépenses inutiles pour maintenir le peuple dans l’obéissance d’un clergé omnipotent.
Certains ont proposés de le déplacer à Paris en avançant des raisons financières & économiques, mais Louis roi pieux, ne l’entendait pas ainsi, le règne de son prédécesseur était vue comme celui de l’immoralité & le maintenir à Reims était le moyen de replacer l’église au centre du village & d’enclencher un renouveau spirituel.
L’intendant des Menus-Plaisirs Papillon de La Ferté prépara un devis à partir de celui de Louis XV en plus somptueux, la cathédrale fut longée par une galerie couverte de faux marbre, une antichambre dorique fut installé devant le grand portail, l’intérieur fut transformé en salle d’opéra, un jubé provisoire fut installé (celui d’origine ayant été détruit en 1744), le reste de la décoration était à l’antique, les voûtes furent peintes en vert d’eau & les chapiteaux en gris, de longues colonnades d’ordre corinthien derrière l’autel, cachaient le décor gothique. Tout ceci fut décrié par certains, le duc de Croÿ commenta : « …une salle de spectacle enfermée dans le plus superbe vaisseau de l’église gothique […]. Quoique grand, cela ne devenait, par comparaison avec le reste, qu’un petit morceau de carton doré dans un grand & noble édifice. » Les dépenses s’élevèrent à sept millions de livres (septante huit millions d’euros) ; la ville de Reims ne fut pas en reste, outre les traditionnels arcs de triomphe, une nouvelle grille en fer forgée fut installée porte de Vesle (aujourd’hui elle se trouve dans le bas des Promenades).
Une inquiétude survint, est-ce que le cardinal-archevêque qui avait passé la soixantaine supporterait le sacre, son coadjuteur Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord se tenait prêt ; le roi en arrivant reçu les habituels compliments ainsi que les cadeaux, vins de Champagne, rouge, mousseux, corbeilles de fruit, pains d’épices, poires de rousselet, &c.
Nombre de personnes étaient présente, la reine Marie-Antoinette avait une loge dans le transept Sud, avec les princesses Clotilde & Élisabeth, la comtesse de Provence, &c.
Les comtes de Provence & d’Artois, les ducs d’Orléans, de Chartres, & de Bourbon, ainsi que le prince de Condé prirent les rôles des pairs laïcs. La cérémonie immuable, eu deux exceptions, à la promesse d’extirper l’hérésie du royaume, Turgot conseilla au roi d’omettre celle-ci, qu’il bredouilla de façon inintelligible, ainsi que l’omission de la formule de l’assentiment du peuple, ce qui fut mal prit par beaucoup. Le pauvre archevêque marcha à grand peine, si bien que nombre de fois, il donna l’impression de s’écrouler, mais il tenu son office, lorsque les pairs soutinrent la couronne, le roi aurait dit : « Elle me gêne. » phrase prémonitoire ou apocryphe…
La cérémonie fut des plus émouvantes, la reine écrira à sa mère : « Pour moi, je sais bien que je n’oublierai jamais de ma vie, dût-elle durer cent ans, la journée du sacre […]. Mes larmes ont coulé malgré moi & le roi m’en a su gré. »
La foule, bien que moins nombreuses au début de la semaine, alla grandissant.
Charles X fut sacré le dimanche 29 mai 1825, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, par l’archevêque Jean-Baptiste de Latil. A l’origine prévu pour Louis XVIII, en raison de son état de santé & sa mort prématurée, il fut repris pour son frère le comte d’Artois.
Une commission fut chargée de reprendre le cérémonial traditionnel en y apportant les modifications pour coller au nouveau régime. les décorations furent inspirées par celles mises en place pour le sacre précédent, un imposant décor de théâtre dans le style troubadour, de nombreux travaux furent exécutés en un minimum de temps pour remettre en état l’édifice qui connu les vicissitude du temps ; le roi reçu les notables qui apportèrent des présents « Sire, nous vous offrons ce que nous avons de meilleur, nos vins, nos poires & nos cœurs. ».
Des pairs ecclésiastiques, seul quatre étaient là, les évêchés de Laon, Noyon & Senlis ayant été supprimés par la révolution, les pairs laïcs disparurent aussi, pour être remplacé par le dauphin, le duc d’Orléans (futur Louis-Philippe) & le duc de Bourbon, les maréchaux Moncey, Soult, Mortier & Jourdan portaient les regalia & le prince de Talleyrand, tout claudiquant endossa le rôle de grand chambellan. De nombreuses formules furent abrégées & des mentions de la Charte constitutionnelle furent placées, les mentions de l’Ancien Testament & des anciens peuples germains disparurent.
Le jeune Victor Hugo fut présent & son séjour à Reims, lui donna l’inspiration pour une autre cathédrale. Le sacre fut critiqué, que ce soit de la part des opposants à la monarchie, ou des ultras, Châteaubriand déplora : « Le sacre actuel sera la représentation d’un sacre : nous verrons le maréchal Moncey, acteur au sacre de Napoléon, ce maréchal qui jadis célébra dans son armée la mort du tyran Louis XVI, nous le verrons brandir l’épée royale à Reims […]. À qui cette parade pourrait-elle faire illusion ? Je n’aurais voulu aujourd’hui aucune pompe : le roi à cheval, l’église nue, ornée seulement de ses vieilles voûtes & de ses vieux tombeaux […]. Je suis allé voir une ruine romaine & me promener seul dans un bois d’ormeaux appelé le « bois d’Amour ». J’entendais de loin la jubilation des cloches, je regardais les tours de la cathédrale, témoins séculaires de cette cérémonie, toujours la même & pourtant si diverses par l’histoire, les temps, les idées, les mœurs, les usages & les coutumes. La monarchie a péri, & la cathédrale a pendant quelques années était changée en écurie. Charles X, qui la revoit aujourd’hui, se souvient-il qu’il a vu Louis XVI recevoir l’onction aux mêmes lieux où il va recevoir à son tour ? Il n’y a plus de main assez vertueuse pour guérir les écrouelles, plus de Sainte Ampoule assez salutaire pour rendre les rois inviolables. »
Il est le dernier roi à avoir été sacré, pour le moment…
Couronnement de Charles X à Reims, gouache, Jean-Charles Develly, 1825, Cité de la céramique de Sèvre.