L’élaboration de la loi est un art ; cet art porte le nom de légistique. Or il n’est plus en
France de pratiquant de cet art depuis que l’on a empiété sur les institutions naturelles et qu’on a
voulu faire de la loi la simple expression d’une volonté, générale de préférence, comme le prétend
disposer l’article 6 de la « déclaration des droits de l’homme et du citoyen », déclaration
véhémente et sans effet quoi qu’il y ait quelques illuminés pour en croire les principes appliqués,
mais ceux-là n’ont pas le pouvoir dans leurs mains.
On a déjà exprimé dans ces colonnes combien l’Ancien Régime comptait de sources abondantes
dans ses lois et quelle était l’érudition de ses juristes ; tandis qu’en rapport à tout ceci la
République ne montre qu’un vide assommant, au fil des dispositions arbitraires décidées par
quelques hommes pleins d’amour propre en un certain temps et dont les interprétateurs ne sont
jamais que les pantins articulé d’une magistrature tenue en laisse par les lois des 16 et 24 août 1790.
La République ne compte que la loi civile pour loi régissant les hommes, y compris pour sa
prétendue Constitution dont les dispositions changent au bon vouloir des révisions régulières et
dont nos prétendus représentants nous ont donné un charmant exemple ces jours-ci. En dépit de
cela, les modernes voient leurs lois comme immuables de par les hauts principes hérités de la
Révolution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Or les juristes royaux nous ont transmis des textes abondants, souvent méconnus, traitant de cet
état des lois et ayant pris vigueur à l’époque où les quelques travaux d’un Montesquieu ou d’un
Rousseau n’étaient qu’à l’état de vulgaire pamphlets. Voici un exemple de l’érudition et de la
clairvoyance de ces juristes dans la rédaction de la Conférence sur les traités de pacifications
des rois Charles IX, Henri III et Henri IV, véritable ouvrage des parlementaires qui ferait pâlir
n’importe lequel des rédacteurs de propositions de lois du gouvernement actuel, tant elle est
fournie et sourcée à l’échelle du millier d’années. Les juristes s’attellent notamment en un
premier livre à définir les lois existantes et leur hiérarchie définie, de la loi immuable et naturelle
à la simple loi civile changeante et remplaçable.
On prétend imposer une même loi à tout un territoire et à un peuple connu comme unique, mais
voici ce que nous enseignent les classiques :
« Les hommes à la vérité vivent en tout pays, mais n’ont pas de même viande et nourriture : l’air aussi n’est
pas si doux et si tempéré en une région comme en l’autre. Les hommes mêmes ont selon le climat divers
naturels, inclinations, et mouvements, et ce qui est plus admirable encore, cet air et cette température des
hommes se change par saisons par siècles et par la révolution de plusieurs années : de sorte que la
vicissitude des choses si exactement recherchée par le docte Regius, se trouve transportée et changée de
temps en temps, comme une colonie nouvelle d’affections et de nécessités d’où vient que les lois mêmes
souffrent leur renversement et leur changement, pour les accommoder, les faire ployer ou roidir, à
l’exemple de cette tant célèbre règle de Lesbius, au besoin, à l’occasion à l’opportunité, laquelle fait une
révolution et un monde nouveau, qui nous induit de nouvelles lois, et en cela si nous considérons leur fin,
leur but et leur intention, se trouvera que c’est chacune en son pays, en son temps, en sa saison, pour le
bien, repos et condition des habitants. Et comme ainsi soit que les utilités et causes d’icelles se changent,
aussi est-il expédient que les ordonnances et règlements s’inclinent et s’adaptent comme la nécessité les
jette et les provoque. »
Voici le coup cinglant porté à la loi civile comme se suffisant à elle-même, celle-ci n’étant que
l’expression d’une vicissitude, on ne peut s’y fier pour de bon de telle sorte que d’autres lois
supérieures sont nécessaires à la cadrer, voici que la conception légale républicaine cesse toute
existence tangible. Nous voilà face à une rédaction qui n’est pas anodine et qui exprime par un
raisonnement inébranlable la place de la loi face à l’homme, et la loi désignée par le
gouvernement civile n’étant en vérité que cantonnée au respect d’une norme supérieure non
humaine.
La loi civile doit, dans cette conception, être le moins contraignante possible si elle a conscience
de son propre état, mais quelle loi prévaut sur la loi civile ?
« Apprenons donc que la loi naturelle est ce bien, seu jus, vel justum et bonum a Deo ordinatum et tributum,
cuique animali conveniens (1) ; et auquel toutes les créatures tendent, et désirent par un mouvement et
instinct de nature comme chose qui leur convient, et leur est bonne, juste et licite à chacun, selon que Dieu
lui a donné connaissance et sentiment : car ainsi décrivent les Philosophes, la nature ; laquelle nos
jurisconsultes déclarent par divers exemples, (Cicéron, De Institutes) que ce qui est bon et licite entre les
bêtes brutes qui n’ont que le sentiments de la simple nature, n’est pas équitable ni juste entre les hommes,
auxquels Dieu a donné la raison, le jugement et en icelui le désir de ce qui est honnête, à mettre de plus en
considération.
Les vices ne sont de la nature, que Dieu a mise en l’homme, ainsi d’une corruption,
intempérance et déréglée volonté, de celui qui se laisse vaincre aux actes illicites ; il procède ainsi que la
simple nature qui est de l’homme à la femelle et aux autres animaux, appelée loi de nature, est en l’homme
en mêmes passages, bornée et limitée en mariage pour enseigner que la droite et juste nature des hommes
est de souhaiter, tendre et viser à ce qui est honnête, comme nous l’enseigne Saint Thomas dans ses
Ethiques, à quoi se rapporte aussi Isidore de Séville, quand il appelle les lois divines naturelles : d’autant
qu’elles sont empreintes en l’homme par une inspiration divine, de laquelle l’âme des hommes participe ;
et de cette qualité se trouve en chacun de nous être engravé le point de religion, l’amour de Dieu, le respect
et la révérence due aux parents, et aux supérieurs, l’observation de la Foi promise, la faculté de repousser
l’injure, la restitution du dépôt et du prêt, la reconnaissance du bienfait et du plaisir reçu, et semblables
inclinations, qui sont toutes lois naturelles et divines en l’homme qui à cette occasion a demandé, Quis
offender nobis bonum ? (2) et en Saint Jean : erat lux vera quae illuminat omnem hominem (3) : Si que Justinien
même confesse, que illud jus cum ipso genere humano rerum natura prodidet (4); et cette même loi est
appelée droit des gens, d’autant qu’elle est empreinte, approuvée, et reçue par toutes sortes de personnes,
et en tous lieux, par la modération et règlement que la raison naturelle désire et requiert en nous. »
Ainsi et si la loi civile est dépourvue de soumission à la loi naturelle immortelle, qu’est-elle en
réalité ? La réponse des classiques et plus particulièrement des médiévaux, à travers Saint
Thomas, est simple : un néant.
La loi injuste n’est pas du droit, or la loi qui s’affranchit de la loi naturelle qui régit l’homme
immuablement est nécessairement injuste puisqu’elle tire son origine d’un acte déicide ; ainsi
elle n’est que néant et l’on doit se faire un devoir de lui désobéir.
Ce n’est d’ailleurs pas à partir du moment où l’avortement pénètre la prétendue Constitution qu’il
faut cesser de lui obéir, mais dès son commencement, dans cet acte même de juin 1789, qui
a formé un pur et simple déicide :
« C’est en 1789 qu’en renonçant à la notion de peuple chrétien pour appliquer à l’ordre social le
rationalisme déiste ou athée, ses représentants ont donné au monde le lamentable spectacle d’une
apostasie nationale jusqu’alors sans exemple dans les pays catholiques. C’est en 1789 qu’a été accompli,
dans l’ordre social, un véritable déicide, analogue à celui qu’avait commis, sur la personne de l’HommeDieu, dix-sept siècles auparavant, le peuple juif dont la mission historique offre plus d’un trait de ressemblance avec celle du peuple français. » ; tel est l’enseignement de Mgr. Freppel dans son Centenaire de la révolution française.
Obéissons donc aux véritables lois et constitutions qui nous régissent, et acceptons seules les
lois immuables et prescrites par Dieu et les commandements qui en découlent. Ne connaissons
de lois civiles que celles qui tiennent de ces mêmes lois et refusons les non lois d’un Etat
illégitime à gouverner.
Pour que vivent les Loix, vive Dieu qui les instaure et son serviteur qui nous les distille, le Roy !
Traductions des citations latines :
1 : Aristote, Physique, « ou bien, ou ce qui est juste et bon, ordonné par Dieu et un tribut, approprié
à chaque animal »
2 : « Qui va nous offenser ? »
3 : Saint Jean, Evangile, Prologue, 6 : « C’était la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant en
ce monde »
4 : Justinien, Jus autem, « que la nature des choses trahit ce droit envers la race humaine ellemême »
Sources :
DDHC Art6
-Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique
-Conférence des édicts de pacification des troubles esmeus au Royaume de France, pour le faict
de la Religion, & Traittez ou Reglemens faicts par les Rois Charles IX & Henri III & de la Déclaration
d’iceux, du Roy Henri IIII de France & de Navarre. Publiée en Parlement le 25 Février 1599.
-Mgr. Freppel, La Révolution française, à propos du centenaire de 1789
Lit de Justice de Louis XV, Louis-Michel DUMESNIL, musée national du château de Versailles, 1720
Très bel article qui rappelle que l’être humain est doté d’une raison humaine qui a pour objectif de rechercher la finalité de chaque objet, et que c’est dans sa nature profonde de tendre à la connaissance de cette finalité. Seule une philosophie réaliste peut respecter celle-ci (la raison humaine) sans pour autant la divinisé.
Aujourd’hui, l’homme rame à contre-courant, en rejetant les règles établies par Dieu inscrite dans cette loi naturelle et l’homme se fait Dieu en faisant ses lois. Ce vieux pêché existe depuis le commencement. Malheureux que nous sommes…